chemin

1.Mon poème ne ressemble à aucun autre. Mon poème est unique. Mon poème est volatile, il ne se laisse pas facilement attraper. Mon poème est une plume, migrant au vent, s’offrant au souffle le plus offrant, celui qui l’emmènera le plus loin ; celui qui lui fera voir du chemin. S’il le pouvait, mon poème prendrait le train.
2.Mon poème n’a pas pris le train. Il s’est sauvé à la nage. Entre deux plongeons, il en a profité pour couler mon imagination. Elle a suffoqué, s’est débattue, a promis et juré de ne plus se mêler de mon poème, qui, touché par cette promesse, a décidé de lui laisser la vie sauve. Mon poème est trempé, il regorge d’écume et m’enserre entre ses vagues et ses remous. Impossible de m’évader du filet de pêche qu’a tissé mon poème. Des mots s’yaccrochent, des lueurs d’images, des relents de rimes. La pêche a été bonne pour mon poème, ce soir, il y aura une bouillabaisse de métaphores.
3.Mon poème n’a plus faim. Mon poème est triste, ou plutôt mélancolique. Je tends la main à mon poème, lui propose d’aller prendre l’air, de se promener, de se changer les idées. Mon poème dit non, non, et triple non. Il ne veut pas, il n’y tient pas, il ne semble plus savoir qu’utiliser la négation. Ce n’est pas la faute de mon poème. Mon poème n’est pas frustré. Mon poème ne sait plus comment se décomposer. Mon poème ne veut pas entendre la suite et il se bouche les oreilles.
4.Mon poème est devenu sourd. Les tympans de mon poème ont été crevés, et mon poème n’entend plus sa propre sonorité. Mon poème se veut seul et espère ne pas être abandonné en cours de route. Mon poème souhaitait faire un long chemin. Mon poème est vert de rage ; il sent qu’on lui a menti. Mon poème s’attendait à mille paysages sonores, découvertes en technicolor. Et autres merveilles imprévisibles. Mais plus rien. Le silence est complet. Mon poème navigue dans un souterrain lugubre. Mon poème a froid.
5.Un cri strident rend l’ouïe à mon poème. Le cri dit : « Vite! Vite! Vite! Avant que ce soit fini » Mon poème s’affole. Mon poème ne se sent pas très défini. Mon poème décide de prendre son envol. Plus haut, plus haut, plus haut. Mon poème ne va pas très loin, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que mon poème a vu un petit bout de chemin.